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1820-1918 : le règne du peigne
1880-1918 : le celluloïd
En
1878, les fabricants de peignes ayant fait une exposition collective
de produits oyonnaxiens, M. Lucien Verdet est délégué
par le Conseil Municipal pour examiner l'Exposition Internationale
de Paris et en tirer profit pour l'industrie locale. M. Verdet
voit là les premiers travaux en celluloïd et rend
compte à ses concitoyens de la possibilité d'employer
cette matière première dans la fabrication du
peigne.
Cette
matière a été inventée en 1869
par les frères Hyatt en amalgamant du coton nitré
et du camphre par l'intermédiaire d'alcool à 90°.
Cette nouvelle matière présente des qualités
plastiques incomparables : légèreté,
solidité, facilité de façonnage (elle peut
se mouler, contrairement à la corne). Ses coloris très
riches imitent les matières nobles (écaille).
Son seul défaut est son inquiétante inflammabilité.
Arbez-Carme,
en véritable artiste, lui conférera ses lettres
de noblesse : la collection qu'il a constituée au
début du siècle (vases, assiettes...) constitue
une des plus grandes richesses du patrimoine oyonnaxien.
Au début, le prix élevé du celluloïd
(40 francs le kg) limite son emploi ; son usage se
répand à partir de 1886-1887, lorsque de
nouveaux procédés de fabrication en abaissent
le prix (10 à 12 francs le kg).
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Fabriqué
d'abord en Amérique, puis en Belgique, en Allemagne et
en Angleterre, le celluloïd est maintenant fabriqué
en grand en France. Oyonnax le reçoit de quatre maisons
principales : la Compagnie des Matières Plastiques
de Saint-Sauveur, la Compagnie l'Oyonnithe, la Companie Française
de Stein et la Compagnie Rhénane de Mannheim.
En 1889, fabricants oyonnaxiens et artisans décident
de créer une Coopérative dont le but essentiel
est la fabrication sur place du celluloïd. Une souscription
est ouverte et en trois heures, 600 000 francs sont
réunis. L'Oyonnaxienne est née. L'usine est ouverte
en 1902. Elle produit au départ 300 kg de celluloïd
par jour, puis 1 000 kg en 1906, 1 500 kg
en 1910 et 2 500 kg en 1913 (260 ouvriers
sont alors employés).
En 1914, quatre usines produisent le celluloïd à
Oyonnax : l'Oyonnaxienne (2 650 kg par jour), la Société
Lyonnaise de Celluloïd (830 kg par jour), la Bellignite
(500 kg par jour) et la Maison Convert (500 kg
par jour).
On pouvait redouter alors la fin de la structure familiale et
artisanale d'Oyonnax car vapeur et production de matières
premières nécessitaient des capitaux importants
et l'on allait dans le sens de la concentration.
En sens inverse, une autre innovation apparaît, qui va
sauver l'atelier familial et marquer définitivement la
structure et l'industrie oyonnaxienne : l'énergie
électrique. En 1889, pour la première fois
en France, une ligne à haute tension amène à
Oyonnax le courant industriel produit à l'usine de Charmine.
Dès 1900, elle fait mouvoir les 9/10e des machines-outils
d'Oyonnax. Elle est bientôt secourue par l'usine du Saut
du Mortier puis par l'usine de Bellegarde sur le Rhône.
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Très
souple, bon marché, l'énergie électrique
est parfaitement adaptée aux petits métiers familiaux
oyonnaxiens. Mieux, dans l'installation de l'énergie
électrique est la signal d'une nouvelle dispersion du
travail du peigne dans les campagnes. Enfin, elle donne à
l'industrie oyonnaxienne la possibilité de varier à
l'infini sa production (Bellignat, Martignat et surtout Géovresset
ont des fabriques de ballons).
Troisième facteur de développement : le désenclavement
économique. L'absence de communications aisées
pesait lourdement sur l'industrie. En 1885, la construction
de la voie ferrée Oyonnax-La Cluse permet de rejoindre
Bourg-en-Bresse, Lyon et Paris. En 1889, Oyonnax-Saint-Claude
complète la liaison vers Dijon, Paris et Lausanne.
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L'emploi
du celluloïd va encore renforcer l'émiettement du
travail. Il ne faut pas moins de douze opérations pour
fabriquer un peigne :
- le rognage :
on découpe dans la plaque de celluloïd la forme
du peigne que l'on veut réaliser
- le découpage
des dents (à la fraise ou avec une machine à
entrecouper)
- le rencarissage,
qui consiste à façonner les dents du peigne
(à la main ou à la fraise hélicoïdale)
- le cannelage :
on grave des décorations sur le dos du peigne
- le ponçage
(au rouleau)
- le courbage
(à la chaleur)
- la passe
à l'acide pour donner le brillant au celluloïd
- le polissage
- la pose
des similis - la pose des calottes
- la pose
de l'or ou de l'argent
- le gravage
au burin
La fabrication
d'un beau peigne est donc très longue, mais elle demande
des machines peu nombreuses, peu encombrantes et peu coûteuses ; la
principale, employée dans un très grand nombre
d'opérations, est la fraise.
En
1897, 92 % des entreprises ont conservé un caractère
familial ou artisanal. Sur les 8 % restants, deux
entreprises seulement emploient plus de 50 ouvriers (Convert
et Bonaz). Le quart des ouvriers du peigne travaille à
façon. Il s'agit :
- des ouvriers pièçards de la Grande Vapeur
(350 environ, 280 à partir de 1905 dans
des locaux remodelés)
- des ouvriers spécialisés - décorateurs
ou dessinateurs
- des ouvriers non spécialisés travaillant à
domicile
Le nombre
de fabricants augmente de 120 en 1880 à 200 en
1890, 300 en 1902, 310 en 1910. En 1884,
le Chambre Syndicale des Fabricants de Peignes est créée
afin de promouvoir cette industrie.
Le
chiffre d'affaires suit la même ascension :
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En
1878 |
3
millions |
En
1886 |
4,5
millions |
En
1897 |
10
millions |
En
1903 |
12
million |
En
1905 |
13,5
millions |
En
1908 |
21,5
millions |
En
1912 |
20
millions |
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|
Pourtant,
de 1880 à 1890, les femmes ne portaient plus
de peignes. Pour éviter la ruine des fabricants, les commerçants
font leur possible pour ramener la mode. Des réunions ont
lieu ; des souscriptions sont ouvertes dont les fonds sont
versés à des maisons de Paris pour faire de la publicité.
Tout est tenté, chez les grands coiffeurs, chez les actrices
de renom, chez les femmes du monde... Les efforts sont couronnés
de succès et, comme toujours, on passe d'une extrême
à l'autre. Au lieu d'un seul peigne, les dames s'en couvrent
littéralement la tête ! Les commandes affluent.
En 1900, les nombreux visiteurs de l'Exposition Universelle
peuvent admirer, outre l'exposition collective à laquelle
ont pris part de nombreux fabricants, les expositions particulières
de MM. Louis Bollé, Levrier et Gachon. Trois
médailles d'argent et une de bronze viennent récompenser
les efforts oyonnaxiens. |
En 1925,
la gamme des produits fabriqués à Oyonnax
et dans sa région est prodigieuse. Pourtant, nous savions
déjà que c'était une industrie instable.
La mode des cheveux courts va amener une nouvelle crise dans
l'industrie du peigne. L'industrie a beau se reconvertir dans
les barrettes et les pince-guiches, la perte de chiffre d'affaires
reste importante.
Heureusement, une nouvelle chance est donnée à
l'industrie oyonnaxienne avec l'arrivée de la mode de
la lunette en plastique imitation écaille. Les Moréziens,
spécialistes de la lunette métal, n'avaient pas
l'habitude du travail du celluloïd. Ils demandent donc
aux artisans oyonnaxiens de fabriquer pour leur compte des faces
ou des branches qu'ils assembleront et vendront. Oyonnax comprend
rapidement le parti à tirer de cette nouvelle fabrication
et les fabriques de lunettes locales commercialisent à
leur tour leurs produits.
Par ailleurs,
à partir de 1936, s'amorce une nouvelle transformation
profonde du caractère de l'industrie oyonnaxienne. Cela
commence par l'utilisation de nouvelles matières :
galalith, acétate de cellulose, bakélite et rhodoïd.
Puis ce sont de nouvelles techniques qui font leur apparition :
estampage, moulage par compression puis moulage par injection.
Au moment de la seconde guerre mondiale s'annonce le grand boom
économique oyonnaxien.
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